6/17/2008

Le Qigong, une porte qui ouvre à la Présence

Le Qigong peut-il, au même titre que son homologue hindou le Yoga, être considéré comme une véritable voie spirituelle ? Existe-t-il une dimension spirituelle derrière cette gymnastique d’origine chinoise, qui, sous une myriade de formes, et de par sa véritable nature, nous offrirait une voie directe et simple vers un état d’être plus profond, une pure conscience et une expérience de la Présence dans notre vie quotidienne ?

Le terme de Qigong recouvre l’ensemble des multiples pratiques psychosomatiques développées depuis plusieurs millénaires en Chine. Ces pratiques sont issues des traditions taoïste, bouddhiste, confucéenne, médicale, ou martiale et font depuis longtemps parties du même fond culturel.

Les différentes approches du Qigong


Le Qigong est avant tout, pour la grande masse de ses pratiquants, un moyen de conserver la santé grâce au bien-être qu’il procure. Quelques adeptes, généralement plus jeunes, le pratiquent pour améliorer leurs capacités physiques. Pour d’autres, certainement plus ambitieux, le Qigong est une méthode qui permet de décupler les facultés énergétiques et mentales afin d’obtenir des pouvoirs qui dépassent les normes humaines (tout voir, tout entendre, tout percevoir et tout connaître du passé, du présent et de l’avenir). Enfin, pour une petite minorité de personnes, le Qigong est la discipline choisie pour sortir des conditionnements humains et atteindre ainsi à la réalisation spirituelle.

Lorsque le trois ne fait qu’un

Décrites ainsi, ces différentes manières « d’espérer en la pratique » qui sont à la base d’une démarche vers le Qigong, paraissent fort différentes voire même opposées (entretenir sa santé pour vivre plus longtemps et mieux n’est-il pas en effet complètement contradictoire avec l’obtention rapide de la libération ?). En fait, ceci serait exact dans une optique hindouiste ou bouddhiste Hinayana. Dans la tradition syncrétiste chinoise (les Chinois ne disent-ils pas : « Les trois religions n’en font qu’une » ?), la santé du corps et la longévité - le but que recherchent la plupart des Qigong - sont considérés comme le fondement de l’accomplissement spirituel. Le message est simple ; plus on vit longtemps, en bonne santé et dans le bien-être, plus le potentiel de réalisation est grand. Il n’existe aucun parallèle aussi clair dans le Bouddhisme originel ou l’Hindouisme, qui, à quelques exceptions près, considèrent effectivement le corps comme un obstacle à la réalisation spirituelle.

Le Qigong en tant que pratique corporelle de santé

Ce Qigong fondamental que l’on peut nommer « hygiénique », est en général composé de mouvements doux et lents qui se pratiquent associés à une respiration naturelle et un état mental apaisé. L’expression fang song (détendre et relâcher) correspond parfaitement à ce niveau de pratique tant il est vrai que l’apaisement du corps, du souffle et de l’esprit est le fondement même de cet art énergétique puisque toute crispation et toute tension entraînent nécessairement une limitation voire un blocage de la circulation énergétique. Comme, pour la médecine chinoise, la santé est tout simplement conditionnée par le maintien d’une libre circulation du Qi, la relaxation mentale et physique se trouve vraiment à la base de l’entretien de la santé et même de la pratique thérapeutique du Qigong.

Le Qigong en tant que voie de transformation

Nous avons ici regroupés les deux « objectifs » que nous avions définis en préambule : le Qigong pour améliorer les capacités corporelles, que nous pouvons aussi appeler « martial » ; et le Qigong en tant que voie de transformation intérieure, que nous nommerons « énergétique ».

Dans les deux cas on parlera d’alchimie, mais celle-ci est externe (Waidan) dans les arts martiaux, qui ont pour objectif de transformer les tissus superficiels du corps (muscles et tendons), alors que dans l’autre on parle d’alchimie interne (Neidan) puisqu’elle est fondé sur la transmutation progressive des énergies « quintessencielles » de l’adepte (Jingqi) en Qi purifié afin d’obtenir la « Longue Vie ».

En fait ces deux méthodologies alchimiques, si différentes dans leur approche (l’une étant Yang, l’autre Yin) conduisent finalement au même résultat qui est le plein développement de toutes les potentialités physiologiques et énergétique de l’être humain. C’est pourquoi on parlera ici de « Longévite ».

Le Qigong en tant que voie spirituelle

Au troisième niveau de la pratique, et à la suite de l’obtention de la Santé et de la Longévité, la tradition nous parle alors d’Immortalité : après le combat voici la Transcendance, après l’œuvre terrestre voici l’Oeuvre Céleste.

Le principe fondamental de tout Qigong, est celui des trois Régulations (San Tiao) :

Tiao Shen, Régulation du corps physique Tiao Xi, Régulation de la respiration Tiao Xin, Régulation du Cœur(mental)

Qu’un seul de ces éléments soit absent et nous n’avons plus alors affaire à du Qigong mais à une simple gymnastique ou à un travail de désincarnation (absence de la conscience corporelle).

Dans un deuxième temps, qui correspond à celui décrit comme voie de transformation, est introduit même une quatrième régulation :

Tiao Qi - Régulation de l’énergie

Enfin, et à un ultime niveau, on parle de :

Tiao Shen - Régulation de l’Esprit

Dans cette approche du Qigong, le corps, l’esprit et le souffle réunis en unité parfaite, deviennent alors l’unique l’objet de l’attention et de l’observation du pratiquant. Aucune posture, ni visualisation, ni mode respiratoire ne peuvent être imposés. En fait toutes postures et toutes formes peuvent convenir puisqu’il s’agit à ce stade d’approfondir simplement la conscience, le Shen individuel, pour entrer dans la Présence.

Le Qigong méditatif dont il est question ici est celui même qui était aux origines, les grands ancêtres de la tradition taoïstes (Laozi et Zhuangzi) ont tous deux parfaitement décrit cette voie et n’ont en fait que peu parler des méthodes précédentes.

Que la pratique s’effectue alors en assise (Jing zuo), en posture immobile debout (Zhan zhuang gong), dans le mouvement (Dao yin) ou dans le déplacement (Taiji quan), cela n’a plus aucune importance. La Présence est partout et dans toutes les conditions, elle occupe tout l’espace-temps.

Présence intégrale et totale qui dissolvant progressivement le moi individuel, la conscience dualiste, se fusionne au grand Shen cosmique. A ce stade de la pratique, la forme corporelle embrasse tout son espace. Toute limite s’est estompée et il n’y a plus d’externe ni d’interne. Cette Expérience et l’aboutissement de tout le processus patiemment mis en place et cette quatrième étape de la pratique.

C’est aussi l’entrée dans le Silence, le « Mystère de Mystère, porte de toute merveilles » avec laquelle le même sage conclu son premier chapitre. C’est la Voie directe, royale (Raja Yoga), celle de l’Illumination subite, celle qui n’a pas besoin de méthode et qui nie même toutes les méthodes (Advaita Vedanta). Celle de la seule Attention, celle de la pénétration dans l’intime du Silence intérieur. C’est celle de l’être-là, seul avec le Seul en une Présence qui emplie le Tout.

En pratiquant ainsi, et en utilisant son propre corps, son propre souffle et son propre esprit comme support pour atteindre l’Eveil, le Qigong devient effectivement une Porte qui ouvre à la Présence, une Voie spirituelle authentique, un chemin traditionnel pour les hommes de notre temps.


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