5/26/2008

La Danse et le Qi Gong


Patrizia Lo Sciuto est danseuse, enseignante, corégraphe et codirectrice de la Compagnie « Moto Armonico ». Diplomée à l’Académie de Danse R.I.D.C. de Paris, elle détient le diplôme d’Etat français en danse contemporaine. Passionnée par la Médecine Chinoise, elle suit l’enseignement du Maitre de Qi Gong le Dot. Liu Dong, depuis 2000. De cette pratique assidue naît la recherche sur le mouvement dansé en relation à l’énergie, qu’elle enrichit d’une formation en massage chinois Tuina avec le Dot. Li Xiao Ming.

SA : Qu’est-ce que cette pratique étrange du Qi Gong ?

PLS : Le Qi Gong est une discipline qui permet d’enrichir et de faire circuler l’énergie le long de méridiens du corps, selon les principes de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Née en Chine, elle est le résultat de plus de 2000 ans d’études et de recherches des grands médecins e moines taoïstes et bouddhistes. C’est un entraînement physique qui a plusieurs écoles, comme la célèbre école des Shao Lin. Il a des effets bénéfiques sur l’énergie vitale, sur la constitution physique générale et la prévention des maladies. Elle agit en profondeur.

SA : Et quel est le but de cette pratique ?

PLS : Par cette pratique, qui est une philosophie de vie, en réalité, s’obtient l’harmonie entre l’être profond et l’apparence, l’esprit et le corps, le cœur et les autres organes internes.

SA : Comment s’obtient cette harmonie ?

PLS : Avec une série d’exercices statiques et dynamiques, des techniques d’automassages, de contrôle de la respiration et la concentration mentale.

SA : Mais qu’est-ce que c’est que le Qi ?

PLS : Le “Qi” c’est l’énergie, le souffle vitale. “Gong” signifie travail, pratique. Le Qi est l’énergie primaire qui construit la vie humaine, et aussi la force motrice qui génère la transformation des matières subtiles en sang, alimentant les organes et les viscères. Le Gong, le travail sur l’énergie est basé sur 4 principes fondamentaux : équilibre, économie, harmonie et calme.
Par « équilibre » s’entend un équilibre dynamique, en mouvement et en évolution.
Par « économie » s’entend préserver. La phase initiale de la pratique est justement appelée « Fermer les trois portes » : fermer les yeux, les oreilles, la bouche pour préserver sa propre énergie, n’être plus en permanence sollicités de l’extérieur à écouter, regarder et parler. Réduire les considérables dépenses énergétiques. Etre dans l’état de Qi Gong signifie regarder, porter l’attention et l’écoute vers l’intérieur de son propre corps ; ne pas parler.
L’ « harmonie », c’est développer soi-même. En se stabilisant s’opère un changement profond de la personne.
Le « calme », comment le trouver ? Par la respiration. Et comment régler la respiration ? Par le mental : l’objectif est de respirer lentement, finement, continûment, aussi subtilement que des fils de soie.

SA : Quelle est la position de la science vis-à-vis d’une telle pratique, quels en sont les effets scientifiques ?

PLS : Des études et des recherches scientifiques sont régulièrement effectuées sur les effets thérapeutiques du Qi Gong. Des chercheurs de l’Université du Texas ont récemment démontré que chez les personnes pratiquant le Qi Gong depuis au moins un an, les neutrophiles (un type de globules blancs) sont particulièrement vivaces et ont un profil génétiques qui renforcent notablement les défenses de l’organisme. Les auteurs de ces études (publiées dans le « Journal of Medicine ») avaient confirmé jusqu’à présent les effets bénéfiques pour la santé d’activités comme le Qi Gong ou la méditation, mais n’avaient pas encore pu démontrer le processus physiologique, au niveau moléculaire. La médecine occidentale confirme désormais que la sensation de bien-être pour qui pratique le Qi Gong n’est pas un effet placebo.
La pratique du Qi Gong, basée sur les principes de la Médecine Traditionnelle Chinoise, est curative (exemple parmi d’autres, le traitement des problèmes oncologiques) mais est surtout préventive : elle maintient l’individu dans un état sain, dans un équilibre psychophysique. Rappelons-nous que la maladie est un signal d’alarme pour un déséquilibre non résolu.

SA : Et quel est le rapport avec la danse ?

PLS : La pratique du Qi Gong permet :
le contrôle mentale
l’attention à la respiration
la précision du mouvement
Je pense que ces principes sont d’une grande importance pour l’étude et l’analyse du mouvement dansé. Les mouvements que l’on exécute dans un cours de danse, ne partent pas d’un réel état de quiétude. La danse est en chacun de nous, mais elle demeure cachée.
L’efficacité du corps est conditionnée par la tranquillité mentale, à condition que les préoccupations de devenir un danseur « important » soient éloignées, que l’angoisse d’apparaître s’allège, que l’on oublie de concourir… Avec un apprentissage tranquille, l’on obtient le plaisir de la danse : la grâce ne s’acquiert pas avec l’agitation.
Le Qi Gong procure au danseur une grande lucidité, une infaillible « mémoire du mouvement », le calme nécessaire pour exécuter un adagio, la juste intensité pour un grand jeté…
La respiration en danse est très importante : il faut être conscient d’où se pose l’expiration, où se prend l’air, pour pouvoir exécuter un port de bras.
La précision du mouvement vient de soi, si toutes ces conditions précitées sont réunies et créent l’harmonie. Je sais où je me trouve, où je vais, comment préparer mon corps pour une pirouette. Où est mon bassin ? Ma colonne vertébrale en relation à l’espace ? Où suis-je moi-même pour danser ?
Il y a deux aspects importants : la détente du corps, qui permet une tranquillité mentale, et en même temps le calme de l’esprit qui la favorise.

SA : Tranquillité… Calme… entendus comme lenteur du mouvement ?

PLS : Derrière votre demande, un peu suspicieuse, il y a tout un inconscient typiquement occidental qui considère la lenteur inefficace, alors qu’elle est en fait primordiale. Je pense que le culte de la vitesse tend vainement à dissimuler un manque d’attention, de soin et de raffinement, une forme d’impuissance. La lenteur doit être entendue non comme finalité mais comme le moyen de donner sa justesse au mouvement. Et c’est alors seulement qu’est possible une extrême vélocité ; sans parler de la virtuosité et de la précision musicale dans d’un phrasé de danse.

SA : C’est donc de là que provient cette impression de force et de vitalité des mouvements lents du Qi Gong ?

PLS : Oui. Cette lenteur n’est en fait aucunement une perte de tonus musculaire. La meilleure détente à rechercher pour le corps est un équilibre entre une attitude décidée mais non rigide et un relâchement qui ne soit pas de l’amollissement.
Le Qi gong nous révéle notre propre énergie et sa circulation. Le contrôle et l’entière disponibilité énergétique sont nécessaire, en la dosant et en la laissant reposer au bon moment. Il ne faut pas exagérer, mais danser avec la juste intensité. Mais ce ne sont que des paroles… seule la pratique donne les justes réponses.

SA : Le Qi Gong respecterait donc l’anatomie et la posture naturelle du danseur ?

PLS : Exactement. Grâce à la pratique du Qi Gong, par exemple, les articulations de la hanche fonctionnent correctement - très sollicitées en danse, la hanche est aussi cruciale dans le processus de transmission de l’énergie dans tout le corps. Venant de la terre, le Qi monte dans le corps depuis sa partie basse. « Respirer » dans l’articulation et la cavité de la hanche permet une transmission énergétique ascendante de la terre au ciel.
Le flux énergétique, vital, agit comme un coussin amortisseur qui fluidifie la mécanique des os. Le Qi est comme l’huile qui permet au moteur de fonctionner. Un moteur biologique ! Cette cavité des hanches soutient tout le poids du corps. En danse, la position de la cheville en rotation externe, l’en-dehors, et la répétition d’exercices d’étirement musculaire dès le plus jeune âge (en particulier le grand écart), modifient l’orientation du col du fémur, créant un déséquilibre dans la biomécanique de la hanche. C’est là l’origine de la coxarthrose, la fameuse « hanche du danseur ».
C’est d’un tel respect de la personne toute entière que naît la beauté : danser est un moyen de s’équilibrer et de jouir en santé. Cela pourrait bien être la plus grande expression de danse.

SA : Et cela vaut tant pour la qualité interprétative du danseur que pour l’inspiration créatrice du chorégraphe?

PLS : La pratique assidue du Qi Gong doue le danseur d’une grande finesse d’interprétation, parce qu’elle développe l’intériorité ; c’est un chemin pour se libérer des comportements artificiels et tronqués, tant physiquement que psychologiquement. Sur scène le danseur doit révéler son monde intérieur, parler avec le langage du corps et du cœur.
En danse contemporaine, le Qi Gong donne une clarté extraordinaire dans la recherche sur le mouvement, il en révéle la source vive et authentique. L’inspiration ne vient pas par miracle mais est nourrie par la pratique quotidienne.
En particulier, dans l’improvisation, le Qi Gong donne une liberté fascinante, avec cet extraordinaire accroissement de la sensibilité, la créativité change du tout au tout. On entre réellement en harmonie avec les forces naturelles.
Tout est mouvement, le déplacement des nuages, le flux de l’eau, la respiration… la danse fait partie du mouvement cosmique. La pratique aide à accueillir ce qui existe déjà, mais que le plus souvent nous ne voyons pas.
Quel est le secret de l’élégance dans le mouvement des animaux ?
Leur énergie se nourrie et s’harmonise dans la relation continue entre l’intérieur et l’extérieur, en donnant intensité et délicatesse au mouvement.
Les animaux sont en connexion aux lois du cosmos. L’homme s’en éloigne toujours plus.
La danse vue dans ce sens là, permet de retrouver cette connection et révéle un processus régénerant d’union avec les autres et avec le cosmos.


Lire l'article tout entier>>
Source: succoacido.it

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Arts Millénaires de Bien-Vivre et de Bien-Etre

Arts Millénaires de Bien-Vivre et de Bien-Etre

Herbes de Provence